L’entrée en 1e primaire est un moment important pour les parents qui sont très souvent plus inquiets que leur enfant ! Ils se demandent s’ils pourront accompagner leur petit « comme il faut » tout au long de ce chemin appelé « scolarité »…
Mine Bilge
Institutrice au cycle 2 depuis cinq ans, chaque année, au sein de mon école communale en D+, je constate les mêmes inquiétudes. Je le sais, les parents sont loin d’être démissionnaires, ils ont juste envie que leur enfant réussisse sa scolarité. C’est d’ailleurs la raison pour laquelle, chaque matin, les mamans m’entourent pour me poser des questions ou me montrer des feuilles qui « prouvent » qu’ils ont bien travaillé à la maison. « Est-ce que ça va avec lui ? Il est comment en classe ? Il écoute bien, madame ? Apprend-il vite ? Comment je peux faire pour qu’il écrive mieux ? Je ne sais pas l’aider à la maison, je ne sais pas lire en français... » J’ai toujours essayé de répondre aux questions pour les soulager, mais les mêmes craintes revenaient au point de m’étonner. Je me suis même demandé si les parents me posaient ces questions parce que je suis jeune, peut-être inexpérimentée aux yeux de certains ?
L’année passée, je me suis dit que j’essaierais bien un projet, déjà lancé dans certaines écoles, qui semble plaire aux parents. Pourquoi ne pas leur ouvrir la porte de la classe, les inviter pour qu’ils puissent voir ce qui se passe derrière ce mur ?!
J’en ai d’abord discuté avec les enfants : ils étaient motivés ! Nous avons fait tout un travail sur la notion d’identité, le respect de l’autre. C’est fin novembre que j’ai expliqué, de vive voix, le projet aux parents. Ensuite, je leur ai distribué un avis et ils se sont tous inscrits. J’ai alors organisé trois groupes en fonction des disponibilités de chacun. J’ai précisé la période de présence qui était de 8 h 30 à 10 h 10.
En amont, j’ai planifié mes deux premières heures afin d’avoir une séquence de lecture-écriture et de mathématiques. Mon objectif était de présenter les méthodes utilisées en classe afin de répondre aux demandes des parents. Ce jour-là, je me suis réveillée plus tôt pour préparer du café. Mon local étant suffisamment grand, j’ai disposé des chaises au fond de la classe et j’ai placé des tasses et le thermos pour assurer un bon accueil.
Voilà 7 mamans et 1 papa, en classe !
J’ai dit aux parents qu’ils pouvaient suivre le rang. Tout s’est passé comme prévu, les enfants se sont installés, les parents ont pris leur place à leur tour. Une maman a très vite placé son cake fait maison à côté du café ! Puis, j’ai commencé, comme d’habitude, par le calendrier et le planning du jour.
Sous les regards souriants des parents, nous avons lu notre texte en délimitant chaque mot avec les doigts, nous avons procédé par analogie pour lire les mots inconnus et avons utilisé le panneau construit ensemble pour identifier les mots outils [1].
Durant la phase d’écriture, les parents se levaient pour aider leur enfant. Certaines mamans voulaient que leur enfant lève aussi le doigt pour répondre aux questions. J’entendais des propos du type : « Le tien participe bien, le mien n’arrive pas à se concentrer. » D’autres parents étaient fiers de la participation très active de leur enfant.
Des couacs, mais attendus !
Un autre jour, une maman a pris la parole du fond de la classe pour me demander d’un ton sec de changer son enfant de place en m’expliquant que depuis un temps, sa voisine le dérangeait. Je lui ai répondu de ne pas s’inquiéter et que les places changeaient souvent, qu’il fallait laisser un temps d’adaptation aux enfants, assis en ilots, et ce pour leur apprendre à « régler » les petits conflits. De manière confiante, j’ai dû dire à la maman qui insistait pour discuter sur le sujet, que nous prendrions le temps d’en reparler... En cours de séquence, lorsque son enfant s’est couché sur la table, elle lui a aussitôt demandé de s’assoir correctement. Connaissant l’intention bienveillante de cette maman, j’ai simplement souri. L’enfant ne semblait pas mal prendre la remarque.
Le retour des parents
C’est surtout après la deuxième visite que j’ai eu des retours de parents. Plusieurs d’entre eux ont apprécié l’ambiance de classe et m’ont remerciée pour mon travail. Ils m’ont expliqué qu’ils comprenaient beaucoup mieux comment leur enfant apprend en classe. Certaines mamans m’ont dit qu’elles savent, aujourd’hui, aider leur enfant dans les séquences de lecture (utilisation de la boite à mots...). Le papa d’une de mes élèves (pour qui le CPMS voulait une réorientation en maternelle) a dit à son épouse que le problème n’était pas l’enseignante, mais que c’était leur fille qui ne parvenait pas à travailler comme les autres. Cette « acceptation », cette « confiance » étaient un tremplin pour me permettre d’installer une réelle collaboration avec la famille. D’ailleurs, cette enfant pour qui je m’inquiétais le plus, a réussi à lire en fin de 1e.
Conclusion
En cours d’année, les parents sont venus trois ou quatre fois en classe et une autre fois pour participer à la sortie bibliothèque. Ces quelques visites « actives » ont plu.
Mes tout premiers élèves que j’ai eus en 1e primaire sont aujourd’hui en 5e primaire et me rappellent encore les activités qu’ils ont fort aimées. Ils se souviennent de tout ! Dans quelques années, j’ai hâte de reposer la question à mon groupe-classe ayant vécu ces moments, car c’est seulement ces petits acteurs qui peuvent évaluer la réelle pertinence du projet.
[1] L’entrée en 1re primaire est un moment important pour les parents qui sont très souvent plus inquiets que leur enfant ! Ils se demandent s’ils pourront accompagner leur petit « comme il faut » tout au long de ce chemin appelé « scolarité »…