Tous en chœur : « L’éducation est notre priorité ! ». Ce qui n’empêche pas, au même moment, une petite coupe dans le budget …. Tous en chœur : « Tout se décide très tôt. Pourquoi ne pas rendre l’école maternelle obligatoire pour tous les enfants ? ». Dans quels locaux et dans quelles conditions, svp ?
A Bruxelles, depuis quelques années, caves couloirs, cantines, conteneurs, … tout est « bon » pour accueillir les petits bouts. Au tel point que Perrine Humblet (ULB) écrivait il y a peu : « Les écoles maternelles saturées sont très nombreuses. Par saturation, il faut entendre des écoles où des aménagements ont été faits récemment pour accueillir plus d’enfants. Ces mesures affectent souvent la qualité pédagogique : des espaces nécessaires au bien-être des enfants (sanitaires et réfectoire) et aux situations pédagogiques différenciées (récréation, psychomotricité, sieste) ont disparu. C’est particulièrement le cas des classes d’accueil, vu la taille inacceptable de certaines d’entre elles pour accueillir des enfants de 2,5 ans ».
On parle (à raison) de Bruxelles et des grandes villes. Mais pourquoi ce silence sur les petites écoles rurales qui scolarisent pourtant pas mal d’enfants. Dans des conditions souvent difficiles. Pourtant l’école au village présente bien des avantages, même en ces temps où tout s’évalue par la taille, les chiffres ronflants, la quantité ! Ici, c’est la convivialité qui est à l’honneur. La coopération entre petits et grands fait souvent merveille. L’insertion dans le tissu social, le patrimoine local, pas de longs trajets, …
Hélas, les écoles rurales ferment les unes après les autres. Victimes de normes « assassines » pensées depuis Bruxelles. Ou par l’illusion de certains parents qui pensent que les enfants sont mieux préparés dans les grosses écoles des villes. Ou bien elles survivent avec des conditions de travail et d’accueil extravagantes. Un exemple dans une petite implantation que je connais bien. Dix neuf enfants sont inscrits en section maternelle au 1 septembre. Cela autorise l’organisation d’une classe. Une seule classe qui accueillera des grands (de 6 ans) et des tout petits de 2,5 ans. Une institutrice. Une seule institutrice pour langer 2 ou 3 gosses qui « ne sont pas propres » et organiser des ateliers diversifiés. Très diversifiés, vu les âges et les milieux culturels très divers. Mixité sociale assurée.
Imaginez le talent, la douceur et l’autorité, l’énergie et la résistance nerveuse, l’imagination et l’attention qu’il faut pour faire vivre ensemble tout ce petit monde. Et bien sûr ouvrir les chemins des apprentissages et entretenir la curiosité de toutes et de tous. En ce début d’année où tout doit se mettre en place : les règles de vie en commun, les rituels, les modalités d’apprentissage, l’écoute, le respect de chacun, …
Et figurez-vous qu’il y aura un 20° inscrit en novembre et que, à ce moment, on pourra dédoubler ! Il faudra reprendre bien des choses à zéro avec une nouvelle madame … si on la trouve. Et une série de gosses mettront pas mal de temps pour s’adapter à ce changement. A cet âge, c’est pas évident. Pourquoi pas plus de souplesse dans les normes ?
On pourrait multiplier les exemples aberrants. Qui ne donnent pas la priorité aux enfants et à l’éducation. Et si on revient à Bruxelles, dans les quartiers pauvres, songez aux classes où les enfants, tous les enfants parfois, découvrent une langue de l’école qui n’est pas leur langue maternelle et qui est toute nouvelle pour eux !
Politiques, journalistes, professeurs d’université, chefs d’entreprises, citoyens lambda, tous en chœur, faites quelque chose pour que « les maternelles d’abord » soit autre chose qu’un slogan de campagne électorale. Cela vous concerne, nous concerne tous parce que c’est un moment décisif pour l’accrochage (ou déjà le décrochage) des enfants et des familles culturellement éloignés de l’école.