Recherche

Commandes & Abonnements

À l’école, un enfant ne se met au travail que s’il est sûr que le résultat de son travail ne va pas lui péter à la gueule. Quand il commence son travail, il ne connait pas à l’avance le résultat et il ne sait pas si ce résultat sera considéré comme pertinent, comme juste.

La sécurité minimale, c’est de ne pas se faire flinguer, ridiculiser en cas d’erreur.
Pour développer cette sécurité, le prof se positionne en observateur du travail, essayant de décoder la logique, erronée peut-être, mais logique néanmoins qui aboutit à cette erreur.
Quelle est la régularité de ce fonctionnement  ? Y a-t-il récurrence  ? Quelle est la part d’aléatoire et de régulier dans ce qu’il observe  ?
Cette attitude de recherche de l’acte intelligent qui est caché derrière l’erreur est fondamentale pour amener la sécurité chez l’élève en train d’apprendre.
Il voit l’adulte comme quelqu’un qui essaye de le comprendre, de voir où il en est et ainsi de l’accompagner, plutôt que comme quelqu’un qui sanctionne alors que lui, enfant, a eu le mérite d’essayer, d’oser.

En maths

Je me souviens d’un enfant de première primaire qui se trompait dans des calculs écrits du style 13 + 5 ou 9 + 7. Mais parfois il les réussissait  ! J’ai essayé de comprendre le parfois.
Ce qui était encore plus étonnant, c’est que certains calculs étaient corrects quand ceux-ci étaient énoncés oralement.
15 + 6 correct oralement et 15 + 6 incorrect par écrit, apparemment de façon aléatoire  !
Il m’a fallu un certain temps pour remarquer que le problème apparaissait quand un six ou un neuf était impliqué dans le calcul et, surtout, quand ce calcul contenant un six ou un neuf était proposé par écrit.
Je lui fis donc lire, sans lui demander de résultat, différents calculs : 6 + 12, 14 + 9, 15 + 7.
Les calculs dans lesquels un neuf était impliqué étaient lus comme si ce neuf était un six et inversement.
Je repris les premières feuilles pour constater la présence de 6 + 9, 16 + 9, 19 + 6, qui donnaient tous des résultats corrects alors que 6 + 8, 15 + 9 ou 19 + 5 étaient incorrects.
Donc, si on se limitait aux résultats, l’enfant échouait dans les calculs proposés.
En faisant cette analyse, la découverte de la logique de l’erreur permettait à l’enfant d’être rassuré sur l’incompréhension de ces résultats imprévisibles. C’était une garantie de sécurité pour lui et pour moi. Pour moi, car je savais sur quoi travailler, cela diminuait mon impuissance face à l’aléatoire.

En orthographe

En orthographe, j’ai mis en place des outils qui permettaient de voir si l’écriture était aléatoire ou régulièrement incorrecte.
Les erreurs étaient classées (et signalées dans tous les écrits, même spontanés) non pas en fonction d’une terminologie habituelle (grammaticale, d’usage, conjugaison), mais en fonction de ce qui n’avait pas été utilisé comme moyen pour prévoir l’écriture (souvent la terminaison) d’un mot.
De plus, si un enfant, dans un texte, écrivait un mot ou un groupe de mots de la même façon, à différents endroits de son texte ou entre des textes différents, je ne pouvais, après lui avoir signalé son erreur, que le féliciter pour sa cohérence.

Pas à coup de latte

L’apprentissage de l’orthographe ne se fait pas à coup de règles plus ou moins compréhensibles surtout si, à six ans, les notions de verbe ou de sujet ne sont pas construites.
Mon but était de rendre la langue écrite prévisible en utilisant ce que les enfants maitrisaient pour la plupart : la langue orale.
C’est ainsi qu’en voyageant dans la famille du mot grand (grandeur, grande, grandis), il est possible de prévoir que grand s’écrit avec un d final.
Ce qu’on entend une fois, on l’écrit chaque fois.
J’expliquais aux enfants qu’apprend-il   ?  permet de prédire qu’il faut un d (ou un t) à la fin du mot quand, dans il apprend, la dernière lettre ne s’entend pas.
Ce qu’on entend une fois, on l’écrit chaque fois.
La dernière lettre d’un mot, même inaudible, pouvait se deviner en la faisant sonner. Par exemple, en faisant suivre ce mot par un autre mot commençant par une voyelle.
Ainsi, dans Ils sont partis, le t de sont est muet. Si on remplace partis par arrivés, alors ils sont arrivés  fait sonner le t et permet de prévoir que le sont prend un t final. Peu importe, à six ans, que ce soit un verbe irrégulier à la 3e personne du pluriel !
Jamais un enfant ne dira : ils sont narrivés   !
Rendre la langue prévisible par des moyens accessibles qui ne nécessitent pas la connaissance de règles complexes est une belle occasion de sécuriser les jeunes écrivants face à la découverte du fonctionnement de la langue écrite.
Quelle ne fut pas ma surprise de constater il vat venir à la maison   dans un texte. Questionnant l’enfant sur la présence de ce t à il vat, il me justifia celui-ci par un logique : on dit comment va-t-il, donc on écrit : il vat.
Chaque construction mentale, consciente ou inconsciente est le fruit d’extrapolations, de généralisations parfois abusives, mais tellement puissantes.
Faire passer la connaissance intuitive à la compréhension consciente est une étape indispensable pour apporter la sécurité minimale qui permet de se mettre à penser, à réfléchir et ainsi à anticiper en confiance. 
C’est cela qui apporte la sécurité indispensable sur le chemin de la maitrise… de l’excellence.