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Accueil / Publications / TRACeS de ChanGements / TRACeS n°244 - Conseil en PI - février 2020 / User de la liberté d’inscription pour la contrer !

Cette foutue liberté de choix d’école, interprétée un peu abusivement à partir de l’article 24 de la Constitution belge [1], peut être investie par les écoles pour produire de la mixité sociale. Et voilà une bonne nouvelle !

Récapitulons la situation : les écoles de la FWB, surtout dans les grandes villes, sont fortement ségréguées, plus fortement que les quartiers qui ont tendance à devenir à nouveau mixtes avec la hausse du prix du bâti.
Pour faire bref, il y a les écoles ghettos de riches et les écoles ghettos de pauvres. Dans le fondamental plus que dans le secondaire, il y a des écoles qui arrivent à de la mixité sociale, mais elles ont le plus grand mal à la conserver, puisque, dans notre système très libéral, il n’y a de régulation des inscriptions que pour l’entrée dans l’enseignement secondaire. Et cette régulation, pourtant marginale, est remise en question avec la Déclaration de politique communautaire qui prévoit d’abroger le décret inscriptions [2] pour le remplacer par une mesure qui reste à imaginer.

Une ségrégation problématique à deux titres

Cette ségrégation consacre une société clivée où les jeunes issus de milieux socialement et culturellement différents ne grandissent pas ensemble.
De plus, elle renforce implicitement le fonctionnement des écoles à deux vitesses : celles qui scolarisent les enfants issus de familles possédant un capital culturel et économique important qui les prédisposent à entrer facilement dans la culture scolaire, et celles qui scolarisent les enfants issus de familles éloignées de la culture scolaire qui ne transmettent pas à leurs enfants ce que l’école exige, mais n’enseigne pas.
Cet écart, cette différence est un fait. Ce qu’une société en fait et l’objectif qu’elle s’assigne par rapport à ce fait traduisent son projet politique : réduire ou creuser les inégalités sociales.
À ce jour, toutes les mesures qui ont été prises, au fil des décrets successifs, n’ont pas eu d’effets significatifs. Les moyens financiers et humains supplémentaires investis dans l’encadrement différencié sont peu utilisés comme levier pédagogique qui permettrait à ces élèves d’apprendre autant que dans les écoles à publics favorisés. Ce qui semble se passer, c’est que ces écoles se retrouvent avec des enseignants moins expérimentés et moins diplômés qui s’adaptent à leur public en abaissant le niveau d’exigence.

Donner plus aux plus riches ?

Dirk Jacobs a étudié le bilan financier des écoles et montré que le cout total des écoles scolarisant les élèves les plus favorisés est plus important que le cout total des écoles scolarisant les élèves les plus précarisés, même après le correctif apporté par les moyens de l’encadrement différencié. L’explication tient aux caractéristiques des équipes des écoles favorisées : les enseignants y sont plus diplômés et ont plus d’ancienneté.
Aux parents qui disent qu’ils choisiraient volontiers la mixité sociale pour leurs enfants si c’est dans une école avec une équipe pédagogique où on apprend bien, disons : « chiche ! » Reconnaissons qu’enseigner en milieu hétérogène et arriver à ce que tous apprennent, sans baisser le niveau d’exigence, dans le respect mutuel et la solidarité, est plus complexe et nécessite du temps de recherche pédagogique en équipe. Se donner de l’ambition avec tous les enfants devrait donc être soutenu en temps de travail et en ressources pédagogiques.

Un nouveau réseau !

Récemment, à l’occasion de l’apéro éducation « Mixité sociale à l’école et conditions d’apprentissage pour les enfants de milieux populaires [3] », nous avons entendu parler de pratiques qui consistent à investir la liberté d’inscription des directions pour créer de la mixité sociale. Sachant que les parents de milieux favorisés sont plus proactifs pour inscrire leurs enfants, ces directions réservaient des places pour les enfants de milieux populaires en bloquant, à un certain moment, les inscriptions des enfants plus favorisés.
C’est donc possible de se mettre au service de la justice sociale plutôt qu’au service de la distinction et de l’organisation en quasi-marché !
Et tant qu’on y est, on pourrait pénaliser l’entre-soi des écoles sanctuaires, en supprimant des moyens à celles qui ne prennent pas leur juste part en ne scolarisant que des enfants favorisés et qui, en plus, se permettent de trier, en rejetant à la mer les plus faibles scolairement parmi les favorisés !
Ça dépoterait, non, de prendre ce chemin pour la réforme de l’encadrement différencié ?

notes:

[1Les parents choisissent l’école de leurs enfants en fonction de l’orientation philosophique.

[2Ce point de la Déclaration de politique communautaire a fait l’objet d’un consensus entre les libéraux, les socialistes et les écolos. Ils dénoncent son non-fonctionnement, mais sans préciser ni dire les résultats à atteindre…

[3tinyurl.com/vu6s8ep