Apprendre les fondamentaux relationnels à l’école, c’est les vivre dans la classe et dans l’école. Rien que de le dire, on sent que ça ne va pas être de la tarte ; et pas seulement pour les élèves.
Le risque avec cette vision transversale des apprentissages est qu’à force d’affirmer que c’est partout et tout le temps, ça finisse par ne plus être nulle part.
Ça commence pourtant par un sérieux dégraissage : pour ouvrir les hostilités, nul besoin d’une charte soi-disant coconstruite qui énumère en quatre-vingt-deux articles ce qu’on ne peut pas faire et ce qu’on doit faire. La loi fondamentale se contente de deux articles : on est là pour travailler (pour apprendre) et ne pas nuire. À deux conditions cependant : faire ce qu’on dit et faire du tiers.
Apprendre les fondamentaux relationnels à l’école, c’est prendre conscience de la présence et de l’action des dominations symboliques et se donner, peu à peu, les moyens de les penser pour y résister. Faire de la classe, de l’école, un espace commun auquel chacun contribue et dans lequel les incidents, les étonnements, les accidents, les conflits, les dérapages, les émerveillements, les erreurs, les réussites sont autant d’occasions de travailler le métier pour créer, améliorer, transformer les conditions qui garantissent à la fois les apprentissages (émancipation/transformation) et un cadre qui fait place à chacun pour garantir la sécurité de tous. Miguel Lloreda disait : le cadre, c’est bien, mais pour mettre quelle photo dedans ?
En gros, parce que vivre les fondamentaux relationnels, ce n’est pas apprendre à se soumettre à une norme exogène, il s’agit de les travailler comme des tensions, pour apprendre à se situer consciemment entre politesse et impertinence, entre coopération et contestation, etc.
Dans l’école, il s’agit de sortir des déclarations de bonnes intentions et de l’affirmation stérile de valeurs au nom de leur universalité, d’accepter que le conflit soit au centre et de se donner les moyens de vivre avec lui. Vivre la citoyenneté, dans l’école, c’est donc aussi nommer l’enjeu du pouvoir, instituer ensemble pour décider ensemble et régler les conflits (faire ce qu’on dit et faire du tiers), au sens d’apprendre à vivre avec ces conflits.
Dans l’école, ensemble, entre pairs et/ou tous ensemble, travailler le métier d’élève, de prof, d’éducateur, de directeur pour garantir, de mieux en mieux, les apprentissages, le cadre qui sécurise chacun, les lieux, les temps, les projets qui favorisent l’action commune, en lien avec les apprentissages.
Au centre du schéma, il y a les fondamentaux relationnels à apprendre, compris comme des tensions à travailler entre fais ce que je te dis et suis ton intuition. Au-dessus et en dessous, tout ce qu’il faut pour commencer à les vivre, dans la classe et dans l’école.
Mais, tout en dessous sur le schéma, l’Institution contraint de penser le réel. Sa loi préexiste et, une part de cette loi est non négociable parce que son origine est externe (Parlement de la FWB). Nous ne travaillons pas dans une utopie, les rôles, les statuts et les fonctions de chacun ne sont pas égaux et identiques. Les statuts donnent des responsabilités spécifiques aux différentes fonctions, pour travailler les tensions constitutives des fondamentaux relationnels et pour travailler le métier. Les PO ont cette responsabilité pour les directions, les directions pour l’équipe éducative, l’équipe éducative pour les élèves.
Tout cela repose sur des sujets humains qui agissent dans un cadre et un bain relationnel conflictuel. Cela frotte, cela coince, notamment, parce que le cadre de la classe, celui de l’école et celui de l’Institution peinent à construire une totale cohérence. Parce que dans vivre ensemble, il y a vivre, comme sujet, mais aussi dans son métier, élève, prof, éducateur, directeur, PO, mais aussi comme collectifs à différents niveaux. La cohérence n’est pas un état stable, mais la résultante provisoire d’un mouvement auquel chacun contribue, de là où il est.